lundi 25 août 2008

ISR, micro-finance, nouvelle philanthropie : 3 concepts proches


Alors que l’on voit apparaître une vague soudaine de mobilisation du secteur financier autour des grandes causes sociales et humanitaires, que cela soit en matière de lutte contre la pauvreté avec la micro-finance, de lutte contre le dérèglement climatique avec l’investissement dans les énergies propres, ou encore de façon plus générale le nouvel élan philanthropique, il devient nécessaire d’adopter une terminologie commune en ce qui concerne d’un côté les besoins exprimés par certains investisseurs et de l’autre, l’offre bancaire proposée.

Les dix dernières années ont été marquées par le développement de trois phénomènes que sont la montée en puissance des fonds dits socialement responsables, l’entrée en jeu de la micro-finance, la nouvelle tendance de la philanthropie. Nous reviendrons sur ces 2 derniers points dans nos 2 prochains articles.


La démarche philanthropique comme principe de base.

Il est intéressant de noter que ces trois thématiques ont un point commun: la prise de conscience d’un besoin de plus grande équité pour garantir un futur durable. Le plan d’action pour "sauver la planète" est décliné de différentes manière au niveau de l’offre produits. Historiquement (déjà dans les années 1920), ce fut l’avènement de l’ISR, qui procède par ajout de filtres "éthiques", dans le processus de sélection de valeurs.

Puis est apparu la micro-finance, forte d’un taux de solvabilité supérieur au système de crédit classique.

Dernier en date, l’ampleur du mouvement philanthropique à travers le monde, motivé par plusieurs raisons: la pression extérieure, suite à un enrichissement rapide et parfois au-delà de toute attente pour certains ; la conviction personnelle (et souvent religieuse) qu’il faut redistribuer une partie de ce que la société nous a donné, chez d’autres.

Aujourd’hui, ces trois thématiques sont exploitées de façon peu coordonnée au sein des banques, alors qu’il y a de fortes chances qu’un client séduit par l’un de ces services soit également intéressé par les autres. Il est probablement réaliste d’affirmer qu’en banque privée, presque chaque client est un philanthrope qui s’ignore. Qui n’a pas donné au moins une fois dans sa vie de l’argent, voire un peu de son temps à une organisation œuvrant dans le domaine social, culturel, humanitaire ou encore écologique?


Le principe d’internalisation des coûts externes.

Au risque de choquer une partie de la communauté financière, il ne serait pas incorrect de dire que l’ISR – dans sa définition la plus pure – tombe dans la même logique. Qui dit socialement responsable, signifie prise en considération des intérêts de la communauté, et non plus du seul intérêt de l’actionnaire. Cela sous-entend donc la prise en charge probable de coûts supplémentaires (ce que l’on appelle en économie l’internalisation des coûts externes), qui vont peser sur la rentabilité finale de l’entreprise. Sa performance sera donc moindre que celle de ses concurrents, ce qui risque de peser à son tour sur son cours de bourse, au moins à court terme, sauf à ce que l’actionnaire accepte un ROI(2) moindre. Ne peut-on pas parler d’une certaine forme de philanthropie à partir du moment où l’investisseur est prêt à accepter un manque à gagner, en échange d’une amélioration sociale, environnementale et donc in fine des conditions de vie d’une population?

Le même principe vaut pour un investissement dans les énergies renouvelables et les technologies propres. Accepter le principe d’une rentabilité incertaine au nom de la préservation de l’environnement ne relève-t-il pas d’une démarche philanthropique? Refuser le principe d’un éventuel manque à gagner remet en question le véritable engagement socialement responsable de l’investisseur. Le principal écueil qui menace aujourd’hui l’ISR est la tentation de soutenir la comparaison sur le terrain de la performance financière, avec les investissements dits classiques. Car cela conduit indubitablement à assouplir les filtres "éthiques" pour y élargir le spectre des valeurs éligibles et obtenir une performance plus régulière. Il en résulte alors une perte d’identité originelle de l’ISR, au profit d’une dilution progressive avec l’investissement classique. Pour preuve, plus ou moins 90% des 500 premières valeurs mondiales sont aujourd’hui estampillées ISR. Dans ces conditions, y-a-t’il encore un sens à une distinction avec le reste du marché?