jeudi 7 août 2008

Jeux olympiques : Pékin malade de sa pollution


Alors que les Jeux olympiques débutent aujourd’hui à Pékin, athlètes et organisateurs ont les yeux rivés sur le ciel. Tous espèrent que l’épais brouillard d’humidité et de pollution qui enveloppe la ville depuis plusieurs jours se lèvera. Malgré les efforts de Pékin, la situation reste difficilement contrôlable.
Il y a cinq jours à peine, Pékin respirait, au propre comme au figuré. Pour la première fois depuis leur arrivée, les journalistes et les sportifs venus en Chine pour les Jeux olympiques ont vu le « smog », le brouillard d’humidité et de pollution qui enveloppe souvent la ville en été, se lever. Une accalmie de courte durée puisque mardi, ce smog, vécu comme un indicateur de la pollution de l’air, était de retour.Aujourd’hui, alors que s’ouvrent les JO, personne ne sait de quelle couleur sera le ciel pour la dernière épreuve, le marathon, qui doit normalement se tenir le 24 août. Mais déjà, l’Éthiopien Haile Grebreselassie, détenteur du record du monde de la discipline, a annoncé qu’il ne courrait pas les 42,195 kilomètres à Pékin. L’athlète, qui souffre d’asthme d’effort, ne souhaite pas risquer la contre-performance ou l’incident grave de santé en raison de la pollution. De nombreuses délégations dotent d’ailleurs leurs athlètes de masques anti-pollution.100 millions d’habitantsPourtant, les autorités n’ont pas ménagé leurs efforts pour réduire le problème du smog pékinois, malgré un contexte difficile. Pékin, 18 millions d’habitants, est entourée par la province du Hebei, qui concentre 70 millions d’habitants sur une surface grande comme un tiers de la France. À un peu plus de 100 kilomètres au sud de la capitale, l’agglomération de Tianjin dépasse les 15 millions d’habitants. Ce sont en tout plus de 100 millions de personnes qui se déplacent, se chauffent, et consomment de l’électricité issue de centrales à charbon.À Pékin, comme souvent dans les pays émergents, la pollution est caractérisée par une forte teneur en particules fines (de quelques micromètres) issues du transport, de l’industrie, mais aussi des poussières des déserts (Gobi, plateau de loess de l’ouest de Pékin) ou des routes. En été, les vents du Sud poussent les pollutions de Tianjin vers la capitale.Une pollution importéeHélène Cachier est chercheuse au laboratoire Santé, climat et environnement du CNRS et du CEA. Elle explique :« La pollution à Pékin est pour une bonne partie maintenaint une pollution importée, car à Pékin même, des mesures importantes ont été prises pour la maîtriser. » Les particuliers n’utilisent plus de fourneaux vétustes, des usines ont été fermées, les voitures suffisamment propres pour être autorisées ne roulent qu’un jour sur deux. Le tout a déjà coûté plus de quinze milliards de dollars. De nouvelles mesures pourront être prises – plus drastiques et dans un périmètre plus large – pour assurer le bon déroulement des Jeux.« Il faut comprendre que l’été est la pire saison à cause de la météo défavorable... et les Occidentaux des JO vont consommer allègrement eau et énergie pour la clim », poursuit Hélène Cachier. L’index de qualité de l’air API (Air pollution index) oscille ces jours-ci entre 95 et 115. Selon les pays, les autorités sanitaires recommandent généralement de ne pas dépasser 100. Selon la chercheuse, les mesures anti-pollution atteignent leurs limites. « Pour pouvoir améliorer durablement la situation à Pékin, il faut maintenant améliorer l’isolation des logements, et développer les transports en commun. Les centrales à charbon commencent à utiliser du charbon de meilleure qualité. »Une population demandeuseMais les JO et le spectaculaire smog pékinois ne doivent pas masquer la situation du reste de la Chine. « À Pékin, les Jeux ont certainement permis d’accélérer le processus d’amélioration de la qualité environnementale. Et je pense que les efforts vont continuer, car la population est de plus en plus demandeuse », analyse Hélène Cachier. Mais dans de nombreuses régions de Chine, dans les vallées minières par exemple, les gens sont dans des situations très précaires, où ils n’ont guère le choix et subissent de plein fouet de graves pollutions. « Si la Chine continue à progresser économiquement, la situation pourra s’améliorer. Pour l’heure, ces gens cherchent surtout à survivre. »


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