Biutiful Cauntri, titre ironique d’un documentaire italien sur l’écomafia et les ravages du trafic de déchets toxiques dans la région de Naples, sort en salles le 16 juillet. Il montre une région entière, la Campanie, détruite peu à peu par un crime environnemental orchestré depuis les années 90.
1200 décharges illégales sont dénombrées dans la Campanie, région agricole de Naples où sévit « l’écomafia », une mafia d’entrepreneurs bénéficiant de la complicité des autorités locales et nationales. Le terme a été inventé par le personnage central du documentaire, Raffaele del Giudice, responsable de l’ONG Legambiente*. La Camorra, organisation mafieuse de la région, s'est infiltrée dans le secteur des déchets et gagne les appels d’offres en proposant ses « services » à un prix exceptionnellement bas, mais qui lui rapportent environ 2,5 milliards d'euros par an… De fait, c’est bien d’une élimination sommaire de déchets toxiques dont il s’agit. Abandonnés en pleine nature, enfouis la nuit, brûlés à même le sol sur des terres agricoles, recouverts d’autres déchets pour les dissimuler…Le documentaire montre également des blocs d’amiante, laissés en plein nature, et les tonnes de "percolat", liquide résiduel nauséabond, issu du mélange des eaux de pluie avec les déchets en décharge. Dans ces décharges abuisives, non impéramébilisées, il s'infiltre directement dans la nappe phréatique.
Les industriels du Nord du pays se débarrassent ainsi à bon compte des résidus d’usines, métaux lourds, plomb, arsenic, etc, qui seront même parfois mélangés à des engrais. Conséquence : toute une région –l’une des plus fertiles d’Italie- et ses habitants sont contaminés par des taux de dioxine atteignant des niveaux hautement toxiques. Le film montre des troupeaux de moutons décimés peu à peu par cette pollution de l’air et du sol et des agriculteurs aux abois, qui n’ont pas d’autre choix que de consommer leurs produits contaminés. Des milliers de vaches et de brebis ont du ainsi être abattues. Mais ce procédé n’empêche pas, au final, que des produits contaminés arrivent sur le marché européen. « Aujourd’hui, excepté le Val d’Aoste, toutes les régions italiennes sont touchées par ce trafic illicite, explique Peppe Ruggiero, l’un des trois auteurs du documentaire. Le problème concerne donc tout le territoire mais aussi une grande partie des pays d’Europe. Les produits agricoles napolitains contaminés par la dioxine finissent sur toutes les tables ».
Corruption généralisée
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, ces décharges illégales existent depuis 15 ans à Naples, sans que personne n’ait réussi à faire évoluer le système et sauver une région qui meurt à petit feu. « Le passé a démontré que toute mesure prise par l’Etat concernant la situation des déchets a été un échec. Après 15 ans de délégations extraordinaires, les citoyens n’y croient plus », observe Andrea d’Ambrosio, co-auteur de Biutiful Cauntri. Corruption généralisée, complicité des autorités, inertie de la justice, cynisme absolu de ces « entrepreneurs »…La colère des habitants est à la hauteur de leur impuissance. « Il nous faudrait un cataclysme », lâche l’un deux, désespéré par ce crime silencieux. La Campanie est désormais appelée le « triangle de la mort », en raison du taux de tumeurs le plus élevé d’Italie. Aucun contrôle ni mesures de sécurité n’ont été pris malgré l’alerte donnée par les ONG, la société civile et des magistrats. Ce trafic illégal a fait certes l’objet d’enquêtes mais le délit d’association mafieuse n’a pas été étendu au domaine environnemental. Un projet de loi sommeille au Parlement italien depuis 1998 et la création, par le gouvernement italien en 2006, de l’Observatoire des crimes environnementaux, n’a pas enrayé le sacrifice d’une région entière aux intérêts de l’éco mafia.
* Legambiente est l’ONG environnementale la plus importante d’Italie. Elle a été créée en 1980 et compte 115 000 militants.
Biutiful Cauntri, d’Esmeralda Calabria, Andrea d’Ambrosio et Peppe Rugiero.2008 - 83 minutes. Sortie le 16 juillet
Les industriels du Nord du pays se débarrassent ainsi à bon compte des résidus d’usines, métaux lourds, plomb, arsenic, etc, qui seront même parfois mélangés à des engrais. Conséquence : toute une région –l’une des plus fertiles d’Italie- et ses habitants sont contaminés par des taux de dioxine atteignant des niveaux hautement toxiques. Le film montre des troupeaux de moutons décimés peu à peu par cette pollution de l’air et du sol et des agriculteurs aux abois, qui n’ont pas d’autre choix que de consommer leurs produits contaminés. Des milliers de vaches et de brebis ont du ainsi être abattues. Mais ce procédé n’empêche pas, au final, que des produits contaminés arrivent sur le marché européen. « Aujourd’hui, excepté le Val d’Aoste, toutes les régions italiennes sont touchées par ce trafic illicite, explique Peppe Ruggiero, l’un des trois auteurs du documentaire. Le problème concerne donc tout le territoire mais aussi une grande partie des pays d’Europe. Les produits agricoles napolitains contaminés par la dioxine finissent sur toutes les tables ».
Corruption généralisée
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, ces décharges illégales existent depuis 15 ans à Naples, sans que personne n’ait réussi à faire évoluer le système et sauver une région qui meurt à petit feu. « Le passé a démontré que toute mesure prise par l’Etat concernant la situation des déchets a été un échec. Après 15 ans de délégations extraordinaires, les citoyens n’y croient plus », observe Andrea d’Ambrosio, co-auteur de Biutiful Cauntri. Corruption généralisée, complicité des autorités, inertie de la justice, cynisme absolu de ces « entrepreneurs »…La colère des habitants est à la hauteur de leur impuissance. « Il nous faudrait un cataclysme », lâche l’un deux, désespéré par ce crime silencieux. La Campanie est désormais appelée le « triangle de la mort », en raison du taux de tumeurs le plus élevé d’Italie. Aucun contrôle ni mesures de sécurité n’ont été pris malgré l’alerte donnée par les ONG, la société civile et des magistrats. Ce trafic illégal a fait certes l’objet d’enquêtes mais le délit d’association mafieuse n’a pas été étendu au domaine environnemental. Un projet de loi sommeille au Parlement italien depuis 1998 et la création, par le gouvernement italien en 2006, de l’Observatoire des crimes environnementaux, n’a pas enrayé le sacrifice d’une région entière aux intérêts de l’éco mafia.
* Legambiente est l’ONG environnementale la plus importante d’Italie. Elle a été créée en 1980 et compte 115 000 militants.
Biutiful Cauntri, d’Esmeralda Calabria, Andrea d’Ambrosio et Peppe Rugiero.2008 - 83 minutes. Sortie le 16 juillet
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