mercredi 9 avril 2008

Diversité ne rime pas encore avec égalité

Le milieu du travail connaît des pratiques discriminatoires.
Lois, accords et initiatives n’ont pas encore enrayé la tendance, mais certaines grandes entreprises ont fait de la diversité un objectif.
Menacée par l’Union européenne de sanctions pour ne pas avoir transposé les directives sur l’égalité, la France s’apprête à faire adopter par l’Assemble nationale le projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations. Mais l’Assemblée doit aussi examiner prochainement une proposition de loi qui, elle, réduit de 30 à 5 ans la prescription devant les juridictions civiles. Pour plusieurs syndicats dont la CGT, ce texte va à l’encontre de la lutte contre les discriminations et notamment des actions en dommages et intérêts pour discrimination dans l’emploi. Discriminations encore nombreuses, pourtant. Le Code du travail énonce en effet l’interdiction de toute discrimination basée sur un large éventail de caractéristiques : origine, sexe, mœurs, orientation sexuelle, âge, situation de famille, grossesse, caractéristiques génétiques, appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, apparence physique, patronyme, état de santé, handicap. A en juger par les réclamations reçues à la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), le milieu de travail concentre le plus grand nombre de discriminations. Un sondage CSA révèle que 25% des salariés du secteur privé estiment avoir été victimes de discriminations en 2007. Et 31% déclarent avoir été témoins de telles situations. Mais ils hésitent à les dénoncer. Beaucoup préconisent un système d’alerte « confidentiel et anonyme ».

Quelques avancées dans la parité H/F

Doyenne des luttes contre les discriminations, l’action pour l’égalité professionnelle hommes/femmes a connu plusieurs lois et quelques avancées. Les femmes investissent peu à peu tous les métiers et parviennent de plus en plus souvent à des postes de responsabilités. Ce qui n’empêche pas leurs salaires de rester en moyenne inférieurs de 20% à ceux de leurs collègues masculins dont 11% dus, selon la Dares, à des pratiques discriminatoires. Pour pallier les inégalités, des entreprises choisissent des actions volontaristes, notamment des « mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes » comme l’autorise le Code du travail. L’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises cite ainsi plusieurs « bonnes pratiques ». Objectif de féminisation des effectifs chez EADS, enveloppes salariales destinées à la réduction des écarts chez LCL ou EDF, mesures spécifiques pour les femmes de plus de 45 ans ayant eu un enfant à la Société générale, formations des managers chez PSA…Sans compter quelque 400 accords ou clauses d’égalité professionnelle négociés en entreprise entre directions et syndicats. De telles initiatives devraient se développer car les disparités salariales sont censées disparaître à l’horizon 2010.

En attendant, l’ANPE, l’APEC et plus de 80 sociétés de travail temporaire ont pris l’engagement de refuser toute demande discriminatoire. Et plus de 1600 entreprises de toutes tailles ont signé la Charte de la diversité qui pourrait se prolonger par un « Label diversité » visant à faire coïncider le geste et la parole. Non sans risque, des groupes comme Casino ou PSA pratiquent l’auto-testing susceptible de révéler une ségrégation –notamment ethnique- dans les recrutements. D’autres comme le Groupe Banque populaire ou Manpower s’engagent en faveur de l’emploi des personnes handicapées. Mais l’obligation d’employer 6% de travailleurs handicapés reste largement bafouée tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

La diversité, c’est ou ce devrait être aussi l’absence de discrimination liée à l’âge ou à l’orientation sexuelle. La société Eau de Paris l’a bien compris. Son accord « égalité professionnelle » comprend des dispositions intergénérationnelles valorisant l’expérience des seniors, à contre-courant de la tendance à se séparer des quinquagénaires. Ce même accord s’engage à prévenir l’homophobie et généralise le congé de paternité au conjoint « qu’il s’agisse d’hétéro ou d’homoparentalité ». Un signe encourageant quand 85% des homosexuels interrogés par la Halde déclarent avoir ressenti au travail un climat d’homophobie implicite. Hors du champ de la diversité, la discrimination s’exerce également à l’encontre des syndicalistes. Des condamnations en justice ont contribué à faire fléchir des directions. Et plusieurs, comme Thales, intègrent aujourd’hui le déroulement de carrière de leurs représentants du personnel dans des accords de dialogue social. Selon un récent sondage réalisé par la Halde, l’appartenance à un syndicat ou au comité d’entreprise figure encore parmi les critères de discrimination constatés au même titre que le sexe, l’âge, l’apparence physique ou l’origine ethnique. Les salariés interrogés veulent des mesures concrètes. Pas des actions de communication.

Conclusion

Alors que les femmes progressent, pour d’autres catégories d’actifs, diversité ne rime pas encore avec égalité. En 2007, la Halde citait l’origine et le handicap comme principaux critères de discrimination invoqués dans les réclamations reçues. Une récente enquête du BIT (Bureau international du travail) montre d’ailleurs que 70% des recruteurs favorisent les candidats portant un nom français. Lancé chez Axa par Claude Bebear, le CV anonyme figure dans la Loi sur l’égalité des chances de 2006 mais le décret d’application n’a pas encore vu le jour. Et l’accord interprofessionnel sur la diversité, conclu en 2006 par les partenaires sociaux, n’a toujours pas force de loi.
Les femmes arrivent de plus en plus nombreuses sur le marché du travail mais, dans les pays pauvres, elles restent souvent confinées dans des emplois à faible productivité, mal rémunérés et sans protection sociale, indique un récent rapport du Bureau international du travail. Par contre, en Asie du sud-est, la population féminine connaît un taux d’emploi et un niveau de rémunération proche de ceux de la population masculine. En Europe, constate le Centre français d’analyse stratégique, l'augmentation des taux d'emploi féminin ne s'est pas accompagnée sur la période récente d'une plus grande égalité professionnelle, notamment en matière de professions occupées et de salaires. Ainsi les femmes restent surreprésentées dans les secteurs de la santé, de l’action sociale et l’éducation.

Source: novethic.fr

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