lundi 1 septembre 2008

Finance alternative : les raisons d'une approche par la philanthropie


Nous avons vu, dans notre article du 25 Août, que la démarche philanthropique est quasi-indissociable d'une véritable politique d'investissement socialement responsable (ISR). La responsabilité sous-entend, dans certaines circonstances, de devoir faire quelques concessions du point de vue de la performance.
L’esprit de la philanthropie devrait également se retrouver dans la micro-finance, dont l’objectif est de sortir de la misère des populations défavorisées. Là encore, la marge de manœuvre est étroite, comme a pu le souligner Damian von Stauffenberg, lors de la dernière conférence des Midis de la Micro-finance, le 29 janvier 2008 à Luxembourg. Un engouement mondial s’est manifesté au regard du défaut de remboursement incroyablement bas (entre 1 et 2%) chez les pauvres. C’est donc une pure logique de performance vs. risque financier qui a encore une fois prévalu, alors qu’il est démontré que la micro-finance, considérée isolément de tout autre mesure d’accompagnement, n’a que peu de chance de sortir durablement le bénéficiaire de la situation de pauvreté. Une démarche raisonnable d’investissement en micro-finance consisterait à s’attarder d’abord sur la politique des IMF sélectionnées par le fonds, avant de se préoccuper de la performance de ce dernier (ce qui sous-entendrait également un effort supplémentaire de communication de la part du fonds, car ce genre d’information n’est actuellement pas toujours facilement accessible pour l’investisseur privé).


Fonds de partage - Le caractère philanthropique de l’investissement est marqué de façon plus explicite dans le cas des fonds de partage ("sharing funds"). Ces derniers ont pour caractéristique de reverser une partie de la performance au profit d’œuvres caritatives ou de fondations avec lesquelles le fonds aura passé un accord. Chez certains fonds, l’investisseur a même le choix de la part de la performance qu’il accepte d’abandonner: 25%, 50%, 75%, voire 100%. On peut citer l’exemple de certains fonds KBC ("KBC Click Solidarity 1 Kom op tegen kanker" et "KBC Click Solidarity 2 Levenslijn-Kinderfonds") investis dans un panier d’actions d’entreprises sélectionnées suivant des critères éthiques et de développement durable, qui reversent 3% de l’augmentation de la performance annuelle à des œuvres agissant pour l’un dans le cadre de campagnes de recherche et de prévention contre le cancer, pour l’autre dans le cadre de mesures de renforcement de la sécurité routière en faveur des enfants.


Dans le même état d’esprit, il faut également relever le cas du "Compte Epargne Alternative" au Luxembourg, produit d’une collaboration entre la Spuerkess et Etika asbl (Initiativ fir Aternativ Finanzéierung), par le biais duquel l’épargnant renonce à une partie de la rémunération usuelle du compte d’épargne (0,60% de réduction à partir du 1er juillet 2007, soit une rémunération annuelle de 2,50% au lieu de 3,10% pour un compte d’épargne traditionnel), au profit du financement à des conditions de faveur, de projets qui privilégient des objectifs écologiques et sociaux par rapport à la maximisation de la rentabilité.


Philanthropie : de la charité à l’action préventive - Enfin, pour les adeptes de la philanthropie pure, il reste bien évidemment toujours la possibilité d’effectuer un don, soit ponctuel, soit régulier en faveur d’une structure caritative, culturelle ou encore écologique. Il faut souligner qu’ici, les besoins exprimés par les clients ont considérablement changé au cours de ces dernières années. On voit apparaître aujourd’hui en Europe une forme nouvelle de philanthropie (cependant pas si nouvelle dans la mentalité anglo-saxone, car déjà initié il y a plus d’un siècle aux USA par les premières grandes fondations telles que Carnegie ou Rockfeller). Par opposition à l’ère précédente, ce type de philanthropie est moins focalisé sur l’urgence. La mission de Rockfeller Foundation se veut très générale: "to promote the well-being of mankind throughout the world". Elle cible notamment des initiatives et activités à long terme dans les domaines de la culture (musées), de l’éducation (universités), de la recherche scientifique ou encore de la protection de l’environnement. Elle intervient donc bien en amont de l’action caritative en visant d’abord à consolider les structures de la société qui permettront ensuite d’assurer la prospérité du plus grand nombre.

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